Colonisation galactique
De l'âge des pionniers au capitalisme carcéral
Dans l'espace colonisé, les rapports sociaux et politiques, réduits à des relations d'interdépendance économique, reposent largement sur une forme d'obligation liant, entre esclavage et servage modernes, le travailleur à la colonie dans laquelle il réside, et où il se trouve contraint de travailler, parfois gratuitement, pour le compte de l'exploitant, en échange du droit de s'y installer. Bien souvent, le manque de moyens, voire les restrictions administratives et/ou économiques — telles que la mise en gage d'un vaisseau — empêchent, dans les faits, ces serfs[1] d'un nouveau genre de quitter la planète ou la station.
Originairement, le servage[1], dans les colonies, lorsque il ne s'apparente pas à une servitude pour dette, repose essentiellement sur l'indenture : pour développer les colonies, les grandes entreprises finançant les expéditions et constructions ont largement utilisé ce type de contrat, par lequel une personne s’engage à travailler pour une durée limitée sur les terres d’un propriétaire terrien qui ne s'y est généralement pas encore installé, sans salaire réel, en échange du paiement de son voyage et de son installation. Ces colons préparent ainsi l'implantation des futures infrastructures commerciales et d'exploitation des terres, défrichant ces dernières et construisant éventuellement les premières structures d'habitation et/ou de terraformation. Ils peuvent aussi, pendant un temps déterminé ou non, exploiter les ressources de la nouvelle colonie dont ils conservent une petite partie, le reste étant expédié au commanditaire qui bénéficie ainsi d'une rente.
Au terme de ce contrat, les premiers colons pouvaient parfois disposer d'une parcelle de terre qu'ils pouvaient exploiter à leur compte. Ces pionniers furent toutefois massivement victimes de la vague de reprolétarisation permise par l'adoption du code colonial, et notamment des articles de l'appropriation permettant l'exploitation totale des colonies par les entreprises finançant les expéditions.
La colonisation a connu une brusque accélération, d'abord, peu après l'Apocalypse, lorsque ont été découvertes un grand nombre de superterres en orbite autour d'étoiles isolées, puis avec l'amélioration des moteurs à distorsion permettant d'atteindre les nuages de Magellan, galaxies satellites de la voie lactée, au prix d'un isolement croissant des colonies éloignées, du fait des effets relativistes les mettant à plusieurs décennies (voire siècles) les unes des autres, en termes de communication notamment.
Les grandes migrations et le délitement des nations
De nombreux colons sont des réfugiés climatiques, ou ont fui la Terre durant les premières guerres de l'eau. Certains ont formé des communautés religieuses ou politiques expérimentales, et ont développé leur propre culture. D'autres colonies, moins répandues, ont été fondées par des États terrestres, et ont acquis leur indépendance, parfois au terme de processus complexes entre les dernières années du XXIème siècle et les premières années du XXIIème, mais pour la plupart plus brutalement, lors de l'effondrement de ces États à la fin de la troisième guerre mondiale, plongeant ces colonies dans le chaos, les poussant à former de nouvelles alliances, à exploiter de nouvelles filières pour compenser les pertes d'importations, d'exportations et de transferts de capitaux, et à chercher dans l'exploration de nouveaux territoires de quoi compléter les ressources désormais insuffisantes pour nourrir les colons, remaniant ainsi fortement l'économie et la géopolitique galactiques.
À partir de cette période, de nombreuses communautés vont mettre en vente leurs planètes et infrastructures et se sous-louer à diverses entreprises, initiant un premier mouvement de prolétarisation après une phase dominée par l'entrepreneuriat individuel, les petites exploitations familiales et communautaires et l'aventurisme – toutefois, dès le début de la colonisation, un grand nombre d'expéditions étaient déjà financées par des compagnies qui permettaient ainsi à des aventuriers de tenter leur chance au bout de la galaxie, où ils pouvaient s'installer, parfois avec leur famille ou dans l'idée de la faire venir plus tard, et souvent avec du matériel fourni par l'investisseur, afin d'exploiter quelque secteur éloigné pour le compte de ces sociétés qui pouvaient ainsi estimer l'intérêt d'un éventuel plan de colonisation plus ambitieux.
De nombreux réfugiés ont profité de ce système, bâtissant de petites colonies organisées autour d'activités telles que l'exploitation minière, ou construisant les cités qui accueilleront les vagues de colons suivants. Certaines de ces colonies avaient alors un fonctionnement mixte, les colons étant parfois accompagnés de membres du personnel de l'investisseur. Dans d'autres cas, des contrats d'association relativement lâches donnaient une certaine latitude aux colons et à leurs familles, en échange de l'exploitation des ressources pour le compte de la société, de la terraformation d'une lune, de la construction des infrastructures visant une exploitation future de la planète, ou simplement de données d'exploration.
Plus tard, l'adoption du Codex ayant légalisé l'appropriation des planètes non enregistrées au registre des propriétés territoriales, la plupart des colonies ont été exploitées par diverses entreprises privées. Ainsi, Chimera est devenue une gigantesque usine de viande.
C'est la fédération du commerce qui régit les relations entre les différentes entreprises, mais celles-ci recourent, pour se protéger ou se livrer a des "0PA hostiles", à des armées privées (voir : économie coloniale).
Éléments de géographie
La plupart des colonies se trouvent dans le cercle central. En 2100, environ un demi-millième de la voie lactée a été véritablement colonisé – avec une densité de peuplement extrêmement faible en périphérie. Cela représente environ 500 millions d'étoiles, mais très peu d'entre-elles possèdent des planètes habitées. La présence humaine se trouve essentiellement concentrée à proximité de la Terre et des colonies riches du cercle central[2], et dispersée dans quelques dizaines de systèmes plus lointains, pour un total de 38 planètes répertoriées, 144 lunes, et pas moins de 120 stations autonomes. Peu de colonies comptent plus d'un million d'habitants – la grande majorité n'en abritent, parfois temporairement, que quelques centaines ou milliers au plus. Toutefois, dès le début du XXIIème siècle, quelques unes, telles que la Galaxie Populaire Démocratique de Corée Universelle, en recensent de manière crédible jusque à plusieurs dizaines de millions, parmi les 15 à 20 milliards d'âmes peuplant l'univers exploré avant guerre. Quelques gigapoles[3] sont en plein essor démographique et économique au milieu de la seconde décennie du siècle, s'étendant parfois sur toute la surface d'une lune ou de vastes complexes orbitaux. Toutefois, la grande majorité des être-humains vivant sur Terre lors de l'Apocalypse, la démographie a radicalement chuté après cet évènement pour se réduire à quelques dizaines[réf. nécessaire], voire centaines, de millions d'humains dans tout l'univers colonisé – estimation difficile en raison du peu voire de l'absence de contact avec les habitants des Terres lointaines. Certains démographes vont jusque à supposer une population totale d'environ 1,5 milliards de colons, chiffre jugé excessif par la majorité des chercheurs qui en dénombrent habituellement deux à trois fois moins. En Avril 2116, la "Corée Universelle", réaffirmant, à l'occasion de son Annexion de Cent Millions d'Étoiles[4], sa prétention à unifier l'univers sous le régime du Juche Intergalactique, a annoncé compter parmi sa population un peu plus de la moitié des colons, soit près d'un milliard d'âmes, essentiellement regroupées à Big Kim City. Ces chiffres sont presque unanimement jugés largement fantaisistes.
Au delà du cercle central et de ses bordures, des colons ont fondé, en particulier au cours des deux décennies suivantes, des communautés de manière plus sporadique, essaimant sans doute d'un bout à l'autre de la galaxie. Mais la Terre est sans nouvelle des plus lointaines d'entre-elles, et il est très difficile de centraliser les données permettant d'estimer leur nombre avec précision.
Concernant ces espaces périphériques (ou "Terres lointaines"), les estimations les plus extrêmes considèrent que certains colons auraient pu atteindre au moins l'un des Nuages de Magellan, voire la Carène. Le consensus général tend cependant à restreindre cette zone à quelques dizaines d'années-lumières au plus au delà de la bordure extérieure de notre galaxie. Une présence humaine dans la galaxie naine du Sagittaire est donc envisageable. En tout état de cause, il est couramment admis qu'aucun être humain n'a jamais quitté le groupe galactique local (Wikipedia), ni même, très probablement, atteint des galaxies locales aussi éloignées qu'Andromède.
Les colonies situées dans les espaces périphériques n'ont plus de contact avec le voisinage de la Terre, les communications mettant plusieurs années, voire de nombreuses décennies, à parvenir dans notre galaxie. À l'inverse, le cercle central désigne l'ensemble des colonies suffisamment proches de la Terre pour entretenir avec Hydrox et entre elles des relations régulières.
Certaines colonies des espaces périphériques les plus proches conservent néanmoins des relations épisodiques avec les plus éloignées des planètes habitées des bordures. Mais celles-ci sont rares, et la Terre est sans nouvelle des colonies les plus lointaines. L'on sait donc très peu de choses, voire rien du tout, sur les mondes peuplant les Terres Lointaines. L'on ignore même si les colons partis à plus d'une centaine d'années-lumière sont toujours vivants et s'ils ont pu s'établir quelque part. Des rumeurs font état de populations ayant adopté un mode de vie nomade.
0n pourrait, très schématiquement, comparer les colonies au "monde romain" à la mort d'Auguste : le cercle central serait l'équivalent des péninsules italique et grecque ; le monde méditerranéen représenterait cet espace et sa bordure intérieure ; la bordure extérieure, aux confins de la galaxie, correspondrait à des contrées telles que le Sud de l'Égypte, le Sahara, la Grande-Bretagne, la lisière du Rhin ou la Perse... Les Terres lointaines, aux confins de la galaxie : Scandinavie, Inde, Afrique sub-saharienne, territoires dans lesquels la présence de colons est anecdotique... Au delà : les nouveaux mondes, inexplorés. Sortis de "Rome", les habitants des colonies centrales ne connaissent que très peu l'univers.

- ↑ 1.0 et 1.1 Le servage (du latin servus, « esclave ») est la « condition de quiconque est tenu par la loi, la coutume ou un accord, de vivre et de travailler sur une terre appartenant à une autre personne et de fournir à cette autre personne, contre rémunération ou gratuitement, certains services déterminés, sans pouvoir changer sa condition » (déf. ONU). Ce terme désigne, à partir du Moyen Âge, la condition des paysans attachés à une terre qu'ils cultivent et ne peuvent quitter.
En effet, à la fin de l'Empire romain, le statut de colon évolue. Désormais, les colons sont liés juridiquement à la terre qu'ils exploitent ou au propriétaire de la terre, dans une forme qui préfigure le servage. Les troubles sociaux et les invasions qui accompagnent le déclin de l'empire poussent les grands propriétaires à se retirer dans leurs domaines (villa), dont ils organisent eux-mêmes la défense. Des esclaves en fuite et des familles de paysans viennent trouver refuge sur ces domaines. Le propriétaire alloue à chaque famille un lot de terre qu'elle peut cultiver pour son compte, en échange d'une part de la récolte et de temps de travail (corvée) sur ses terres. Les enfants des paysans héritent à leur tour du statut de dépendance de leurs parents.
Progressivement, ce système évolue vers le servage, institution caractérisant l'organisation socio-économique du Moyen Âge et qui subsiste au Tibet jusqu'en 1959, avant de se généraliser sous de nouvelles formes vers la fin du XXIè siècle.
La différence entre le servage et l'esclavage n'est pas évidente. Selon le Larousse, elle se situe au niveau du statut juridique du serf, qui n'est pas assimilé à une chose comme l'était l'esclave, et dispose d'une personnalité juridique. Il ne peut se marier sans l'autorisation de son maître, ni transmettre ses biens ; il ne peut quitter la seigneurie non plus ; mais il ne peut généralement être vendu. Ce n'est cependant pas vrai partout : en Russie et en Angleterre[réf. nécessaire], les serfs pouvaient être vendus comme des esclaves, et être exploités et violentés sans aucun droit sur leur propre corps, rapprochant ce système de l'obligation contemporaine.
Les critères de différenciation ne font pas l'unanimité. Selon d'autres auteurs, « esclave » n'est qu'un synonyme tardif de « serf », consécutivement à la mise en servage de slaves par les peuples germaniques, du temps d'Othon le Grand et de ses successeurs.
Les serfs sont ainsi une classe de travailleurs agricoles non libres, à la différence des vilains. Ils doivent résider et travailler dans un endroit, et cultiver la terre, propriété de leur seigneur, lequel peut être un noble, un dignitaire ecclésiastique ou une institution religieuse comme un monastère. De ce fait, le serf est juridiquement considéré non pas comme une « chose », un « bien meuble », mais comme une « personne », liée par un contrat (une obligation) à une autre personne. Les serfs cultivent les terres de leur seigneur (la « réserve seigneuriale »). En contrepartie, ils sont autorisés à travailler un lopin de terre (leur « tenure ») pour nourrir leur famille et subvenir à leurs besoins.
À partir du XIIIè siècle, les serfs sont de plus en plus soumis à une taxe arbitraire appelée taille, qui devient annuelle à partir de 1439. Les seigneurs ont en outre le droit de mainmorte, en vertu duquel les serfs ne peuvent transmettre leurs biens. En échange, le seigneur protège le serf des brigands et lui doit son assistance alimentaire. Ainsi, le serf n'appartient pas à son seigneur, mais est attaché à la terre (souvent un fief, dont le propriétaire ultime est plus haut dans la chaîne de vassalité), la contrepartie étant qu'il ne peut être chassé de cette terre, puisqu'il ne fait qu'un avec elle ; en outre, il possède des biens, peut exercer une action et témoigner en justice ; et il peut contracter (mariages, contrats de vente) plus ou moins librement – le plus souvent entre serfs.
Héritier des relations de clientélisme antique, et caractéristique de l'organisation des hiérarchies féodales(†), le servage tombe progressivement en désuétude et est partiellement aboli sous l'Ancien Régime, mais se maintient, notamment dans les colonies du Nouveau monde anglo-saxon, en particulier sous la forme de contrats de servage, compromis entre l'ancien ordre post-médiéval et le capitalisme naissant, fait de relations contractuelles plus conformes à l'idéologie libérale d'une bourgeoisie en plein essor[cf. "bourgeoisie"], et qui assure une forme de transition entre les servitudes héritées du moyen-âge, ancrées dans le clientélisme antique, et le salariat qui va se développer au cours des deux siècles suivants.
Si, en théorie, le statut du serf (travailleur servile) diffère radicalement de celui de l'esclave, tenu pour un bien meuble mais disposant d'une protection juridique a minima, rarement appliquée, bien souvent, dans les faits, peu de choses distinguent des actes de possession d'esclave à durée limitée ces contrats de servage moderne, peu régulé dans les terres reculées d'une Amérique encore largement en friche, comme il le sera dans les Terres Lointaines. En revanche, il est notable que les serfs, comme les esclaves blancs, étaient habituellement (mais pas toujours) mieux traités que les esclaves venus d'Afrique.
Les contrats de servage (servitude) lient en particulier pour une durée déterminée, aux XVII-XVIIIè siècles, des colons venus s'installer sur les terres de grands propriétaires, pour prix de leur voyage et installation dans les colonies en développement. Une fois leur liberté acquise, ceux-ci peuvent demeurer au service du propriétaire terrien, comme métayers, ou quitter ses terres pour chercher fortune, par exemple en s'établissant en ville, y ouvrant une échoppe ou louant leur force de travail ; voire tenter d'obtenir une terre de la part du gouverneur local, afin de la développer au nom de la couronne en y faisant à leur tour venir des colons, serfs ou métayers, et bien souvent par l'acquisition d'esclaves, en particulier dans les colonies du Sud.
Avant d'être remis au goût du jour, avec la colonisation de la galaxie, Ce type de servage disparaitra à son tour progressivement, avec l'indépendance des colonies britaniques.
L'esclavage y sera aboli plus tardivement, à la suite de la guerre de sécession dont il constitue un enjeu majeur. En effet, outre la progression des idéaux humanistes, son remplacement par le salariat[Voir : "prolétarisation"] apparaît plus rentable aux colonies du Nord, industrieuses, à la différence des plantations du Sud – notamment en déchargeant le patron de la nécessité d'entretenir ses employés, formellement libres mais livrés à eux-mêmes quant à leur subsistance, dès-lors contraints de vendre leur force de travail. Dans le Sud des États-Unis, cette subsistance est assurée au prix d'une propriété absolue du maître ("patron") sur l'esclave, malgré des droits a minima accordés par la loi à ce dernier, dans les faits peu garantis par les gouvernements sudistes, d'avantage attachés à maintenir l'ordre en s'appuyant sur les milices, et peu regardants sur les actions menées par celles-ci en vue de capturer et "corriger" les esclaves en fuite.{ * NB : Le féodalisme repose en effet très largement sur les survivances de l'organisation politico-économique romaine (et ecclésiastique), et son hybridation avec le droit germanique — tel que celui des francs, soit les "hommes libres", occupant originairement des terres qu'ils protègent et administrent pour le compte de l'empire romain dans le cadre de fœdus : l'installation de ces seigneurs-protecteurs sur ces territoires, soumis à leur souveraineté sur les terres et habitants, avec la chute de l'empire, sera à la base de l'organisation des seigneuries et proto-royaumes germaniques, puis des États qui leurs succéderont, et des institutions se revendiquant de l'héritage romain (voir : "tsar"). }
- ↑ La Terre ayant perdu sa place centrale dans les échanges après l'Apocalypse, au profit des colonies voisines les plus prospères.
- ↑ Définies par C. Minkowski comme des cités de plus de 50 millions d'habitants. Certaines pourraient en compter plusieurs centaines de millions, occupant la surface entière de petites lunes.
- ↑ conséquemment à la "collectivisation" du géant minier ExX0n-Billiton, qui fut objectivement un achat boursier frauduleux permettant à plusieurs hiérarques de la Fédération d'empocher d'immenses rétro-commissions.